lui de la faire plus éclatante ; mais les choses parlaient assez haut. Il ne fallait pas permettre qu’il y eût un doute sur l’innocence de Dreyfus ; il s’associa à la demande d’une enquête supplémentaire.
L’arrêt fut rendu le troisième jour, après un long délibéré, par dix voix contre quatre[1] :
La Cour déclare la demande recevable en la forme ; dit qu’il sera procédé par elle à une instruction supplémentaire ; dit n’y avoir lieu de statuer quant à présent sur la demande du procureur général tendant à la suspension de la peine.
Les amis coururent chez Lucie Dreyfus[2]. Le public l’eût voulue plus démonstrative ; elle était, comme son mari, de la race des classiques. Il lui eût été facile de parler à l’imagination de la foule ; elle aurait cru manquer à elle même, et à celui qui était là-bas, si elle avait affiché son deuil et ses efforts. Elle avait une entière confiance dans les conseils de Mathieu ; pourtant, elle ne fut nullement passive, exprima plus d’une fois des
- ↑ Celles de Lœw, Chambaraud, Dupré, Accarias, Bard, Dumas, Boulloche, Atthalin, Duval et Dupont. Les opposants furent Sallantin, Sevestre, Roullier et Lasserre. (29 octobre 1898.)
- ↑ Scheurer m’écrivit : « Votre dépêche m’a tellement ému que j’en ai eu des suffocations de bonheur. Je n’en suis pas mort ; c’est qu’on ne meurt pas de joie… Nous sommes toujours la France ! Elle avait besoin d’une secousse morale ; elle se l’est donnée à elle-même. » la lettre que je reçus de Zola débordait de confiance : « Ce supplément d’enquête, c’est pour moi l’acquittement certain de l’innocent et le châtiment probable des coupables. » Il restait sévère pour Brisson : « Vous me parliez de Brisson, en prévoyant sa chute. Est-elle si à déplorer ? Il se montrait si tremblant, si désespéré, que je préfère presque des adversaires à la forte poigne, obligés de se mettre avec nous, lorsqu’ils seront forcés d’obéir à l’opinion publique, à l’irrésistible poussée des faits. » — Mon article sur la Revision était intitulé : « Merci, Brisson ! »