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BRISSON


les républicains « d’opposer le dédain aux rendez-vous fanfarons et perfides d’une association de malfaiteurs[1] », Millerand, Pelletan, Lacroix s’efforcèrent aussi de faire entendre la voix de la raison. Jaurès résista ; il s’épanouissait dans cette atmosphère surchauffée, n’en sentait pas le frelaté, déclama beaucoup : « Le prolétariat organisé… Le frémissement de Paris résolu à ne plus se laisser humilier[2]. » Guesde, très sage, expliqua que Déroulède, « au mieux avec des généraux », cherchait une bagarre, qu’il était fou de faire le jeu de ces gens[3]. On obtint enfin du Comité de vigilance cette promesse : « Le parti socialiste ne provoquera pas ; les organisations révolutionnaires seront prêtes à l’action ou à l’abstention, suivant le cas[4]. »

Mais Déroulède[5] aussi et Guérin déclaraient qu’ils ne provoqueraient pas, qu’ils ne feraient que riposter.

En fait, sauf Déroulède lui-même, ni ses patriotes, qui ne voulaient pas, disaient-ils, laisser la rue aux anarchistes, ni les socialistes, qui ne voulaient pas la livrer aux antisémites, n’avaient grande envie de se battre.

Les royalistes tinrent de nombreux conciliabules, Guérin, à son habitude, promettait beaucoup, demandai ! beaucoup d’argent pour bien faire (c’est-à-dire

    fixé à une heure précise, place de la Madeleine. Nous nous rendrons de la place de la Concorde. Beaucoup de calme, beaucoup d’ordre : Vive la République ! Vive l’armée ! À bas les traîtres ! Paul Déroulède. »

  1. 24 octobre. — Signé : Trarieux, Ranc, Clamageran, Isaac, Delpech, Ratier, sénateurs ; Duclaux, Friedel, Giry, Grimaux, Havet, Paul Mayer, membres de l’Institut ; Yves Guyot, Joseph Reinach, anciens députés ; Ary Renan, Pressensé, Lucien Herr, Fontaine, docteur Hervé, Reclus, Séailles, Seignobos, etc.
  2. Petite République du 20 octobre 1898.
  3. Haute Cour, 5 décembre 1899, Hennion.
  4. Manifeste du 25 octobre 1898.
  5. Lettre du 21 au Temps. Il écrira plus tard à son avocat (Falateuf) : « Le premier coup de force eût éclaté le 25 octobre contre le ministère Brisson, si la Chambre ne l’eût brutalement jeté bas. La tentative fut donc ajournée à une autre heure. » (Galli, loc. cit., 127).