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CAVAIGNAC MINISTRE


pièces, à sa revision intime ; qu’à l’exemple, encore, du ministre, il est loisible de tirer argument, sans manquer de patriotisme, de documents allemands et italiens ; que des pièces secrètes ont été communiquées aux juges de 1894, puisque le ministre n’a pas osé reprendre à son compte la formule sacro-sainte de Billot[1] ; que le bordereau, seule base légale de l’accusation, dont il n’a même pas prononcé le mot, ne suffit pas à prouver la culpabilité de Dreyfus ; qu’un autre que lui pourrait bien en être l’auteur ; et qu’Esterhazy, puisque Cavaignac va le faire chasser de l’armée, est, au moins, un gredin, peut-être un bandit.

Dès lors, que restait-il, après l’abandon de tous ces avant-postes, les plus solides, pour défendre la citadelle ? Une légende et un faux.

Entre la petite minorité des revisionnistes, à peine encore le centième de la France, et la Revision, il n’y avait plus que ces toiles d’araignée.

Tous leurs journaux, le lendemain, annoncèrent l’inévitable dénouement[2].

Cela surprit fort, dans l’autre camp, où Drumont célébrait « le verdict suprême » de Cavaignac, pendant que Rochefort acclamait « le nouveau Boulanger » et que Pelletan se félicitait « d’avoir toujours cru à la culpabilité de Dreyfus[3] ». Ils n’en purent croire leurs yeux à voir ces vaincus repartir en avant, d’un tel air de confiance et si assurés, criant à tue-tête que la fameuse

  1. Il dit seulement : « Les honnêtes gens du conseil de guerre ont jugé dans leur conscience ; ils ont jugé sans passion. »
  2. Clemenceau, l’Inévitable Revision ; Yves Guyot, la Revision s’impose ; Jaurès, Lettre à Cavaignac ; de même, Sigismond Lacroix dans le Radical. Lucien Victor-Meunier dans le Rappel.
  3. Libre Parole, Intransigeant, Lanterne du 8 juillet.