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BRISSON


des cordons de sentinelles le long des voies ; personne ne bougea.

L’attitude des troupes, près de 60.000 hommes, officiers et soldats, fut sans reproche. Un grand calme, nulle provocation, l’observation la plus rigoureuse des consignes. Zurlinden y fut pour beaucoup. Hors du service, les militaires, qu’une muraille de Chine n’isole pas, qui ne vivent pas dans une tour d’ivoire, déblatéraient comme les civils et faisaient, en plus, sonner leurs éperons, traîner leurs sabres. Dans le service, ils redevenaient eux-mêmes.

Cela n’empêcha nullement les échauffés de continuer à dénoncer l’entente des généraux, par l’intermédiaire de Pellieux, avec le prince Victor[1]. — Ce n’eût pas été la première fois que l’imputation imméritée d’un mauvais dessein l’aurait fait naître. — Vaughan tenait ses informations de deux journalistes, d’un maître blanchisseur de Boulogne et d’un employé du télégraphe qui avait vu passer cette dépêche, adressée à Zurlinden : « C’est toujours convenu pour samedi[2]. » Il conclut que le coup était fixé au 16 octobre. Sans crainte pour lui-même, il communiqua sa peur civique à ses amis ; plusieurs jugèrent prudent de découcher[3]. Ranc, Jaurès, Millerand, Mathieu Dreyfus se montrèrent incrédules. On dépêcha des émissaires à Waldeck-Rousseau, à Bourgeois et à Brisson[4], et les journaux avertirent

  1. Pellieux démentit qu’il fût allé à Bruxelles, en appela au ministre de la Guerre. (Agence Nationale du 17 octobre 1898.)
  2. Vaughan, 171, et suiv. ; Sigismond Lacroix, Récit rétrospectif, dans le Radical du 15 juin 1901.
  3. « Gohier devait aller coucher chez Clemenceau, qui avait déjà ses deux frères ; il arriva à minuit et demi, ne put se faire ouvrir. » (Vaughan, 185.)
  4. Ibid., 171, etc. — J’étais allé passer quelques jours à Amsterdam, à une exposition des œuvres de Rembrandt. Au retour, à Bruxelles, les reporters m’assaillirent, m’annonçant