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BRISSON

Guesde et les marxistes furent ici fort perspicaces. Ils virent, des premiers, d’où venait le coup, cette soudaine recrudescence d’agitation, pour pousser la crise à l’état aigu et à des bagarres sanglantes[1].

Des défenseurs de Dreyfus ne comprirent pas que tout ce qu’ils ajouteraient aux désordres, aux embarras du Gouvernement, serait une faute, surtout envers leur cause. Pressensé avait convoqué « le peuple de Paris » à une réunion pour le 2 octobre, qui tombait un dimanche. Déroulède annonça qu’il s’y trouverait. Le propriétaire de la salle Wagram, craignant pour son mobilier, dénonça la location. Pressensé, avec Vaughan et Morhardt, se rendit à cette salle sagement fermée. Ils y trouvèrent une foule tumultueuse, où des cris hostiles on en vint bientôt aux coups. La police bouscula tout le monde, arrêta Pressensé et ses amis, qui s’obstinaient à sonner à la porte close[2], puis un député nationaliste, Paulin Méry. Déroulède, survenant à la tête d’une bande[3], cria qu’il allait demander la

  1. Socialiste du 13 octobre 1898 ; Petite République du 10. — Rapport Hennion, 11 : « Les principaux chefs, Guesde, Zévaès, etc., trouvent la situation très grave. Ils prétendent que les nationalistes, les orléanistes et les antisémites… », etc. — On lisait dans le Gaulois du 8 : « Faut-il croire qu’un conflit est imminent entre le soldat et l’ouvrier, et ne serait-on pas en droit de croire que ce choc sacrilège est voulu, prémédité, préparé par ceux qui s’efforcent de creuser entre le peuple et l’armée un fossé sanglant ? » — Le duc d’Orléans dit à un ancien secrétaire d’ambassade, Montgomery, qui répéta le propos : « On se plaint de mon inaction, mais ne sait-on pas que je suis derrière les grèves qui agitent Paris en ce moment et qui m’y préparent un excellent terrain d’action ? » (Rapport Hennion, 11.) Le propos ne fut démenti que par Andrieux. (Haute Cour, 21 décembre 1899.)
  2. Vaughan, Souvenirs sans regrets, 149.
  3. Instr. Pasques, 32, Déroulède : « J’ai fait placarder une affiche où pour tout appel je me suis contenté de dire : « Les « sans-patrie » invitent le peuple à leur meeting ; j’y serai. » « Le