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BRISSON


déclara que l’armée restait « aussi dédaigneuse des menaces de l’extérieur que des provocations des mauvais citoyens »[1]. Ce fut tout. Le plus accessible parut Chanoine, On lui savait des embarras, une sotte vanité, un fils fâcheux, que, le jour même où il fut ministre, il avança en grade. Un jeune Bourmont[2] connaissait un ami du ministre de la Guerre : « On lui ferait facilement proposer un coup d’État en faveur de Monseigneur. » Il suffirait de lui promettre « une dotation et le titre de duc »[3].

Les officiers inférieurs, ceux qui sortaient des écoles des jésuites, se montraient fort insolents, rachetaient par une attitude provocatrice leur défaillance passagère au moment des aveux d’Henry. Mais, ici encore, leur colère, leur mépris de la République s’en allait en bavardages.

Paris, malgré le fanatisme bizarre qui lui était venu, n’avait pas perdu le sens du ridicule. Il s’amusa d’un manifeste du duc d’Orléans : « C’est l’armée qu’on veut détruire et la France qu’on veut perdre ; nous ne le permettrons pas[4]. » Il ne se divertit pas moins de la procession d’une douzaine de députés, nationalistes et royalistes, qui se rendirent à l’Élysée pour réclamer la convocation immédiate des Chambres et qui ne furent pas reçus[5].

  1. Ordre du jour, aux officiers et soldats du 15e corps, à Aix, le 14 septembre 1898.
  2. Amédée de Ghaisne de Bourmont, membre du comité central de la Jeunesse royaliste.
  3. Lettre à Buffet du 26 septembre (Haute Cour, II, 35). — VI, 52, Bourmont : « J’ai donné cela comme une simple information. » (Interrogatoire du 13 octobre 1899 ; de même, devant la Haute Cour, le 17 novembre.) Le baron du Casse allégua qu’il avait tenu un propos en l’air. (14 décembre 1899.)
  4. 21 septembre 1898.
  5. Notamment Drumont, le prince de Broglie, Millevoye, de Lévis-Mirepoix, de Ramel, d’Aulan, Berry (27 septembre).