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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


toutes les avances. Il n’arrachera pas « leur proie » — la France — « aux parlementaires pour en faire l’héritage des princes ». « L’avenir est au premier républicain résolu qui mettra sa main dans la main du premier général patriote[1]. » Il n’y avait pas moyen de domestiquer ce rimeur qui se croyait César. Rochefort ouvrit son journal aux communications de Guérin[2].

Comme on n’en était pas encore au partage du butin, ces ambitions particulières ne se nuisaient pas. Pourtant, dès le début, tous ces défenseurs de l’armée se surveillèrent les uns les autres, pleins d’une légitime méfiance.

Seul, le prince Victor, à Bruxelles, n’entra dans aucune intrigue, mais personne ne le crut[3]. Les d’Orléans conspiraient à la façon des Bonaparte d’autrefois ; le Bonaparte se tint sur la réserve qui avait naguère valu beaucoup d’estime aux d’Orléans. Il ne lui échappa pas un mot contre la Revision et il répétait à ses amis qui le pressaient que Dreyfus était innocent.

Les généraux discouraient seulement. Ils reçurent des émissaires, les écoutèrent avec complaisance, tinrent de mauvais propos, assurèrent que « leur épée frémissait et ne demandait qu’à sortir du fourreau[4] », mais l’y laissèrent. Guérin se plaindra souvent de leur mollesse[5]. Le général Metzinger, dans un ordre du jour,

    lède, cote 1, pièce 47). Michelin nomme la duchesse d’Uzès. Ramel, au nom du duc d’Orléans, n’offrit à Déroulède des subsides directs que l’année suivante. (Rapport Hennion, 32.)

  1. Instr. Pasques, 2 mars 1899, Déroulède.
  2. Rapport Hennion, 9.
  3. Haute Cour, I, 105, dépêche de Buffet : « Inquiet action Bonaparte. Aviserai. » (9 janvier 1899.) Dépêches et lettres analogues de Dupont (I, 113), d’Honoré de Luynes (II, 143, etc.).
  4. Lettre du baron de Brandois. (Scellés Buffet.)
  5. Rapport Hennion, 11.