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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


en trouva surtout chez d’anciens bonapartistes — plusieurs centaines de mille francs[1] — pour reformer sa ligue (avec un journal, le Drapeau), et, dès lors, on le vit toujours en mouvement, à la Chambre et dans la rue, « réunissant tous les éléments d’une insurrection nationale »[2].

Le duc d’Orléans avait pris Guérin à sa solde.

Les orléanistes, après avoir été, pendant plus d’un quart de siècle, fort pédants en politique, cessèrent de l’être au moment même où leur correction et leur éloignement des grossiers désordres allaient peut-être leur profiter. Les mauvais conseillers du comte de Paris, l’exil et Albert de Mun, le poussèrent à s’allier à Boulanger ; ses meilleurs serviteurs, Bocher, Hervé, le duc Pasquier, en furent désespérés ; le duc de Broglie bouda ; Lambert Sainte-Croix en mourut. Le fils descendit aussi bas qu’il était possible.

On l’a vu intervenir bruyamment, dès le début de l’Affaire, malgré les avis de Dufeuille, lancer son premier manifeste contre les ennemis de l’armée, le jour même où parurent les lettres d’Esterhazy à la Boulancy, puis mobiliser son parti et le joindre au mouvement militariste et antisémite. L’antisémitisme surtout le séduisit. Il y vit la force populaire qui, domestiquée par lui, le porterait au trône. Les jeunes gentilshommes, qui n’étaient pas tous de vieille noblesse ou de noblesse authentique, et quelques bourgeois, qui formaient son bureau politique et son conseil privé, le confirmèrent dans son opinion.

  1. Haute Cour, 20 novembre 1899. Déroulède : « La Ligue a reçu beaucoup d’argent… » Tel affichage a coûté 25.000 francs, tel autre 40.000. « Ce n’est qu’une petite fraction de l’argent qui nous a été donné. »
  2. « Depuis six mois, secondé par Marcel Habert, j’ai préparé, réuni tous les éléments… » (Instr. Pasques, 68, Déroulède.)