Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


quelque argent. L’Anglais passa outre ; Esterhazy cria, déposa une plainte, puis la retira en échange d’une forte somme[1].

Le 26, Faure resta à Rambouillet toute la matinée, ne rentra à Paris qu’après le conseil, avec l’espoir d’y trouver la crise ouverte. Mais Brisson l’avait emporté. Quatre heures durant, il objurgua Sarrien qui se désolait, s’irritait, offrait sa démission, prit la porte, se laissa ramener, vota contre la Revision, mais s’inclina devant la majorité, deux voix[2], accepta de transmettre à la Cour de cassation la requête de Lucie Dreyfus.

Il y avait près d’un mois qu’Henry s’était coupé la gorge et qu’Esterhazy était en fuite.

XIV

La Cour de cassation saisie le jour même, l’Affaire rentrée enfin dans le domaine de la justice, la sagesse, le respect des lois commandaient d’attendre dans le calme la décision des juges. L’honneur de l’armée n’était pas en cause, puisque le ministre de la Guerre n’avait

  1. Cass., I, 747, Strong. Esterhazy reçut 500 livres. L’une de ses lettres à Strong parut en fac-similé dans le Matin (1er octobre 1898).
  2. Six voix (Brisson, Bourgeois, Delcassé, Maruéjouls, Trouillot, Godin) contre quatre (Sarrien, Lockroy, Peytral, Viger). Chanoine s’abstint, bien qu’à l’en croire, « il eût pour règle de suivre le Garde des Sceaux » (Cass., I, 52) et « que son opinion eût été déterminée par l’avis de la commission ». Rennes, I, 213.) — On annonça la démission de Viger, qui resta.