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BRISSON


juillet, au fort du triomphe de Cavaignac, une seule lettre ; « Quand je me sens trop triste et que le fardeau de la vie me semble trop lourd à supporter, j’évoque mes souvenirs… »

Lui, il espérait encore : « Si le destin veut que je voie la fin de cet épouvantable drame, il ne saurait me rester qu’une pitié immense pour la misère humaine, le culte plus profond, s’il se peut, de l’honneur, un stoïcisme hautain, aussi le désir de la solitude et de la retraite[1]. »

En août, un de ses gardiens, comme je l’ai raconté, lui murmura qu’un homme s’occupait de lui. Mais nulle réponse ne venait à ses nouvelles suppliques, transmises, lui disait Deniel, suivant la forme constitutionnelle » ; il n’y comprenait rien[2]. Il demanda un Code pour connaître ses droits de paria ; sa requête fut repoussée. Il avait juré autrefois à Demange, si la publicité des débats lui était accordée, de ne pas préciser dans sa défense d’où venait le papier accusateur (c’est ce que Waldeck-Rousseau et moi nous étions allés dire à Casimir-Perier) ; et bien que le huis clos eût été prononcé, il était resté fidèle à sa promesse[3]. Une fois seulement, dans une heure de délire, il avait dit au médecin : « Ce qu’on craint, c’est que ma famille ne donne communication de la fameuse lettre incriminée… N’a-t-on pas peur aussi que ma femme ne prenne ses deux

  1. 6 mars, 16 et 25 juillet 1898.
  2. Cinq Années, 301.
  3. C’est ce qu’il avait écrit, le 8 juillet 1897, à Félix Faure (Cass., I, 323) et, le 24 octobre, au gouverneur : « Lors du premier conseil de guerre, j’avais demandé à M. le Président de la République, la publicité des débats… Il me fit répondre par Me  Demange qu’il se confiait à ma parole. La publicité ne fut cependant pas accordée. Cette parole que j’avais donnée à M. Casimir Perier, je l’ai tenue. »