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BRISSON


jour. D’autre part, Picquart au secret, on ignorait l’inculpation précise Ceux qui la connaissaient s’en turent avec soin, se tenant au mot vague et devenu coutumier de faux. Le procédé avait réussi à Mercier ; mais, cette fois, l’opinion était avertie ; le jeu, aussi, était trop grossier : discréditer le témoin principal de Dreyfus, intimider, dérouter la commission consultative. « Il y a certainement un faux au dossier de Picquart, mais les faussaires eux-mêmes l’y ont mis. » Pourtant, nul ne devina encore que c’était Henry lui-même[1].

Zurlinden s’inquiéta de ces colères. Deux ou trois jours, il attendit un « acte d’énergie » de Brisson, un contre-ordre de Chanoine[2]. Après s’être employé des premiers et de toutes ses forces à déshonorer Picquart, il avait découvert enfin que le ministère, puisque la Revision était décidée, « n’eût pas excédé son droit en ajournant les poursuites contre un des témoins importants ».

Mais rien ne vint, parce que Brisson trouvait plus commode de considérer l’ordre d’informer comme « irréparable »[3] ; qu’il gardait des doutes sur Picquart, — en tous cas, il le dit et le fit dire[4] ; — et, aussi, par une raison plus haute, parce que le plus pressé, dans ce

  1. Selon le Matin (23 septembre), « le petit bleu, s’il n’était pas faux à l’origine, avait pu le devenir depuis ». Le 25, dans le Siècle, je demandai que la Cour de cassation fût saisie de l’affaire ; le 2 octobre, je touchai la vérité : « Il y a, dans le dossier, un petit bleu avec un grattage tout frais. »
  2. Zurlinden, Ma Réponse.
  3. Brisson, Souvenirs. (Siècle du 7 septembre 1903.)
  4. Son ami Gachet vint me le dire. Des communications semblables furent faites à d’autres revisionnistes (Ranc, Victor Simon, etc.). Brisson, dans ses Souvenirs, ne dit nulle part qu’il ait été, à l’époque, convaincu de l’innocence de Picquart. Il reproche, au contraire, à Chanoine « d’avoir égaré le Gouvernement en le maintenant dans l’obscurité ». (7 septembre 1903.)
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