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BRISSON


Faure le décret qui réintégrait Zurlinden ; Brisson dit qu’ils étaient d’accord ; la chose passa sans objection[1]. Pas un mot de Picquart.

Faure était-il informé du coup ? Chanoine, en tout cas, était sans inquiétude à son endroit.

On a vu que Zurlinden, dans la certitude qu’il serait renommé gouverneur militaire, s’était déjà installé aux Invalides. Dès qu’il y fut avisé par un message de Chanoine que c’était fait, il signa le mandat d’informer contre Picquart. Il eût pu en laisser la honte à Borius, puisque le décret qui le nommait n’avait pas encore paru au Journal Officiel. Il pensa, sans doute, que ce serait trop bas, ou, peut-être, ne pensa rien du tout, sauf qu’il n’avait pas eu à attendre longtemps sa revanche. Il alla ensuite rendre visite, comme le protocole l’exigeait, à Chanoine et à Brisson. Chanoine était absent[2]. Brisson le reçut, et très cordialement, comme si rien ne les avait récemment divisés. Il ne lui parla pas de Picquart, parce que sa confiance en Chanoine était absolue et qu’il était au courant des pourparlers engagés depuis le matin, entre le parquet et Labori, pour l’ajournement du procès correctionnel après l’arrêt sur Dreyfus, et pour la mise en liberté provisoire de Picquart. Et Zurlinden le laissa s’en taire[3], soit qu’il fût de compte à demi avec Chanoine dans sa fourberie,

  1. Décret du 20 septembre 1898.
  2. Zurlinden : « Il était parti pour la Marne. » Chanoine était seulement sorti : Brisson le vit le soir même. (Voir p. 281.)
  3. Zurlinden : « Je fais ma visite au président du Conseil ; il ne me dit rien de cette affaire : moi non plus, ignorant complètement ce qui s’est passé entre lui et mon chef, le ministre de la Guerre. » — Brisson : « Le gouverneur vint me voir ; il ne me parle pas de l’affaire Picquart ; je ne lui en parle pas non plus ; mais, moi, cela se conçoit : je ne sais rien de nouveau ; je demeure dans les conventions passées depuis plusieurs jours… etc. » (Siècle du 7 septembre 1903.)