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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ger, sans grand inconvénient, l’intérim de Borius. Il y consentit tout de suite, c’est-à-dire à payer la dette de Faure[1].

Chanoine, si décidé qu’il fût à trahir Brisson, s’était attendu à moins de complaisance. Il agit en conséquence, sans se gêner, et, dès le lendemain matin, à la première heure. Après avoir regardé sommairement au dossier de Picquart, il ne prit même pas la peine de formuler ses conclusions personnelles, mais parapha simplement la lettre que Zurlinden avait fait préparer, la semaine précédente, pour être soumise à sa propre signature, à l’adresse du gouverneur intérimaire, et qui se référait à sa correspondance avec Sarrien : « Ci-joint copie d’une lettre que j’ai adressée à M. le garde des Sceaux, le 16 septembre courant… Des actes délictueux (un faux en écriture privée) paraissent avoir été commis en 1896 par le lieutenant-colonel Picquart dans le but d’imputer au commandant Esterhazy le crime de trahison… etc.[2]. » Et, comme le bruit était généralement répandu que Picquart serait remis en liberté le jour suivant, ce qui eût été d’un effet considérable sur l’opinion, il envoya d’urgence à la Place « l’ordre formel d’ouvrir une enquête contre le faussaire et de se saisir de lui, dès que la justice civile le relâcherait[3] ».

La séance du Conseil fut courte. Chanoine présenta à

  1. « Il est certaines situations de confiance, comme celles de ministre de la Guerre ou de gouverneur militaire de Paris, où il ne devrait pas être indifférent de connaître les attaches d’un homme. » (Brisson, Siècle du 29 mai.)
  2. Lettre de Chanoine au gouverneur militaire, du 20 septembre 1898, (Instr. Fabre, 295 ; Cour de cassation, Affaire en règlement de juges, audience du 2 mars 1899, plaidoirie de Mimerel.)
  3. Zurlinden, Ma Réponse : « Le mardi matin, 20 septembre, avant dix heures, l’État-Major reçut du général Chanoine l’ordre formel… etc. »