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BRISSON


de l’eau. Il n’y avait, en effet, aucune raison a priori pour que la détestable Affaire n’eût gâté à la fois Picquart et Henry, que deux colonels n’eussent commis des faux. Il eût fallu contrôler les faits et les témoignages, connaître les hommes ; ou il eût suffi de regarder l’écriture du bordereau, « identique, selon Picquart, à celle d’Esterhazy », « complètement pareille, selon Zurlinden, à celle de Dreyfus[1] », et tout le reste s’en déduisait.

C’est ce que Sarrien eût fait dans toute autre affaire, et si la conséquence n’en eût pas été que les gens de l’État-Major étaient des coquins ou des dupes. Mais il ne pouvait se résigner à le croire. Les machinations de Picquart pour substituer à Dreyfus tantôt Donin de Rosières[2], tantôt Esterhazy ; l’argent du service, « plus de cent mille francs », gaspillé par lui à surveiller ces officiers sous prétexte « de rechercher des documents sur la concentration des armées étrangères »[3] ; cette autre affirmation mensongère que « la voie ordinaire ne donnait plus rien, afin de supprimer les preuves nouvelles de la culpabilité » du condamné[4] ; ses relations souterraines avec la famille de Dreyfus ; ses tentatives pour « frelater » les photographies du petit bleu, « antitimbrer » la carte-télégramme, menacer et tromper les chefs ; ce n’était pas possible que toutes ces accusations, formulées par des soldats, Gonse et Cuignet, Lauth et Gribelin, n’eus-

  1. Lettre du 16 septembre 1898. — À Rennes : « Mon opinion était basée sur des constatations que j’avais faites moi-même. »
  2. Rennes, I, 371, Picquart : « J’ai, pour la première fois, entendu parlé de l’affaire Donin de Rosières dans une note qui a été envoyée par le général Zurlinden… Je ne me suis jamais occupé de Donin. »
  3. Note du 16 septembre. (C’est la note de Gonse.)
  4. Note du 14.