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BRISSON


de Picquart, puisque celui d’Henry n’avait été qu’une « riposte ».

On n’a pas oublié que Roget avait déjà constaté le grattage, un jour où il travaillait avec Cuignet, qu’il l’avait signalé à Gonse, qui refusa d’en tenir compte, et qu’en conséquence Billot ni Cavaignac n’en furent avertis. Roget raconta également ces incidents à Zurlinden, excusant la réserve de Gonse par le désir qu’on avait alors, à l’État-Major, de « faire l’apaisement ». Plus tard, il avait paru que les confidences de Picquart à Leblois suffisaient à faire justice de ce soldat infidèle. Pour Henry, comme il avait sur la conscience son propre faux, il avait craint que, du faux de Picquart, s’il le dénonçait, on remontât au sien. Esterhazy avait demandé à Cavaignac l’autorisation de poursuivre Picquart pour le petit bleu. Cavaignac s’y était refusé. C’était Esterhazy qui avait eu raison. Les aveux, le suicide d’Henry ont enfin illuminé tout le drame[1].

Cette version inattendue, mais où toutes les absurdités s’enchaînaient si bien, Cuignet, non seulement la confirma, mais la compléta par une dénonciation formelle contre Du Paty, l’instigateur et, peut-être, le véritable auteur du faux d’Henry[2]. Zurlinden avait gardé un fond de sympathie pour « le pauvre Henry »[3], et Du Paty appartenait à l’espèce d’hommes qui déplaisait le plus au placide Alsacien. Il s’attrista seulement de trouver un nouveau faussaire dans l’armée et

  1. Instr. Tavernier, 2 novembre 1898 ; Cass., I, 110, 115, 116, 122, 611 ; Rennes, I. 328 ; III, 282, Roget. — Lettres de Zurlinden à Sarrien des 10 et 16 septembre 1898.
  2. Cass., I, 343, Cuignet : « J’ai dit aux différents ministres qui ont succédé à Cavaignac qu’une enquête établirait facilement que Du Paty est l’auteur principal du faux d’Henry. » Il le fit dire par les journaux. (Paris du 8 septembre 1898, etc.)
  3. Zurlinden, Réponse.