Faure, la veille, avait gardé à dîner Zurlinden, qui déjà était venu le saluer à son arrivée. Le gouverneur de Paris y avait tenu de bons propos à Bourgeois et à Delcassé[1]. Il en tint de non moins bons à Faure, dans la soirée, « sur ce qu’il importait de dégager l’armée de cette malheureuse affaire qui se gâtait de jour en jour », de sévir contre les officiers coupables et « d’examiner loyalement si la revision s’imposait[2] ». Au surplus, il ne s’offrit pas, conseilla, lui aussi, d’appeler Saussier.
Faure « l’approuva hautement ».
Zurlinden, de famille alsacienne[3], avec les plus beaux états de service, jouissait d’une réputation intacte et méritée par sa correction politique[4] et son application au service, et de quelque popularité, parce qu’il avait des chevaux superbes et les montait fort bien[5] ; mais, avec ces bonnes qualités et ces avantages, l’esprit court et lent, le plus facile à influencer et qui, comme il arrive souvent, ne se piquait pas moins de faire ses idées. Sa femme, veuve, quand il l’épousa, d’un de ses camarades, et fort religieuse, tenait à frayer avec le beau monde. Il avait été déjà ministre, après Mercier. Faure se connaissait en hommes. Zurlinden, s’il revient ministre, ne se refusera pas de prime abord à faire la revision, ce qui endormira les revisionnistes, mais il se laissera persuader de ne pas la faire, ce qui leur enlè-
- ↑ Souvenirs de Brisson.
- ↑ Rennes, I, 205, Zurlinden, et Réponse à Brisson.
- ↑ Né à Colmar, le 3 novembre 1837.
- ↑ Quand Saussier, atteint par la limite d’âge, quitta le gouvernement de Paris, Faure réunit à l’Élysée les présidents des deux Chambres (Loubet et Brisson) avec Méline et Billot. Ils furent unanimes à désigner Zurlinden.
- ↑ Brisson, Souvenirs : « Cavalier admirable, montant des chevaux superbes, il était populaire dans Paris. »