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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

III

L’interpellation de Castelin ne fut qu’une dénonciation : quand il réclama du Gouvernement « des déclarations décisives pour donner au pays la foi dans la vérité », il précisa qu’il ne l’entendait pas de preuves nouvelles, et superflues, du crime du juif ; — il insista au contraire, sur la nécessité de rappeler seulement « des faits qui, sans nuire aux intérêts du pays, seraient de nature à donner confiance aux patriotes » ; — mais le gouvernement devait engager des poursuites contre « les champions » de Dreyfus, doit-il faire voter d’urgence des lois d’exception. C’était cela que l’État-Major avait attendu de Cavaignac. Et le délateur désigna chacun d’eux, précisant l’inculpation, celui-ci (Mathieu Dreyfus) pour avoir calomnié Esterhazy, celui-là (Picquart) pour avoir soustrait des dossiers, et tous les autres, de Demange à Zola, tout le Syndicat qui, « hier encore et avant-hier », s’était réuni chez moi et faisait appel à la fois à l’étranger et à la Révolution[1].

Méline, accusé par le sycophante de n’avoir sévi contre aucun de ces mauvais citoyens, protesta. Les socialistes, quand il demanda des lois d’exception, ne firent entendre aucune de leurs protestations ordinaires[2].

Puis, quand Cavaignac parut à la tribune, un grand silence se fit, où il y avait de la crainte et de l’espoir, l’attente anxieuse de savoir enfin la vérité.

Le ton de Cavaignac fut toujours sec et dur ; il eut, ce jour-là, quelque chose d’impérieux, mais aussi de

  1. Séance du 7 juillet 1898.
  2. Petite République du 9.