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BRISSON


qu’Henry avait pu être infâme sans que Dreyfus fût innocent.

Ces journées décisives, du 1er  et du 2 septembre, furent gâchées à ne rien faire.

Le premier qui profita du répit fut Esterhazy. Il avait encore goguenardé quand des journalistes lui apprirent l’arrestation d’Henry ; il ne rit plus quand il connut, la nuit suivante, que son ami s’était tué[1]. Persuadé « que son tour viendrait tout de suite après »[2], il partit, dès qu’il fit jour, avec toutes sortes de précautions. Il sortit de Paris sans bagages, en promeneur, se jeta à Saint-Denis dans le premier train, gagna Maubeuge, où il se coupa les moustaches, ce qui le rendit méconnaissable, passa à pied la frontière belge, et, de là, par Bruxelles, à Londres, sous le nom de « M. de Bécourt »[3].

Si Brisson ne l’avait raconté lui-même, on ne croirait pas qu’il n’eut d’entretien avec Cavaignac ni le 1er , ni le 2. Il lui téléphona seulement de faire constater selon la loi la mort d’Henry[4], et lui dépêcha Sarrien.

  1. Cass., I, 190, femme Gérard ; 198, Pays. — Nuit du 31 août au 1er  septembre. — Selon un récit de la fille Pays à la concierge, Esterhazy serait allé chez Du Paty, ce qui est faux.
  2. Dessous de l’Affaire, 70 ; Cass., I, 600, Esterhazy.
  3. Esterhazy ne donne pas la date de son départ, mais de son récit même et de celui de Marguerite Pays, il résulte qu’il partit le 1er  septembre. Elle raconte, en effet, qu’elle reçut d’Esterhazy, déjà à Bruxelles, « la veille de la démission de Cavaignac », — c’est-à-dire le 2 — « une lettre fermée qu’il la chargeait de faire porter à Cavaignac. » (Cass., I, 798.) — d’Esterhazy, quand il la publia, la data faussement de « Paris, le 5 septembre, à M. Cavaignac, ministre de la Guerre. » (Dessous, 92.) Or. Cavaignac donna sa démission le 3 et l’Agence Havas l’annonça aussitôt.
  4. Note du 3 septembre 1898 : « Je n’ai eu, avant-hier jeudi et hier vendredi, de rapport avec M. Cavaignac que par le téléphone : pour lui recommander… etc. » (Siècle du 2 mai 1903.)