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CAVAIGNAC MINISTRE


dereau. Casella ayant écrit à l’ancien attaché militaire pour le conjurer de dire spontanément la vérité, celui-ci lui proposa un rendez-vous à Bruxelles. L’italien y courut. Par malheur, Schwarzkoppen, au dernier moment, s’était ravisé et fait remplacer par un émissaire qui ouvrit à Casella un pli scellé, « précisant qu’il avait l’ordre de ne pas le reprendre, dès qu’il aurait été ouvert ». Casella refusa ; il avait des instructions précises de ne rien accepter que de Schwarzkoppen lui-même[1].

Le matin de l’interpellation, dans un article sur la communication des pièces secrètes[2], je rappelai ces paroles de Pascal :

C’est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaye d’opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne servent qu’à la relever davantage ; toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence et ne font que l’irriter encore plus… Qu’on ne prétende pas de là, néanmoins, que les choses soient égales ; car il y a cette extrême différence que la violence n’a qu’un cours borné par l’ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu’elle attaque au lieu que la vérité subsiste éternellement et triomphe enfin de ses ennemis, parce qu’elle est éternelle et puissante comme Dieu même[3].

  1. Souvenirs de Mathieu Dreyfus.
  2. Siècle du 7 juillet 1898. — Je fis état, notamment, des révélations des propres journaux de l’État-Major. Éclair du 15 septembre 1896. Gaulois du 3 novembre 1897, Écho de Paris, du 16 : « En chambre du conseil, les sept honorables officiers, mis en présence de documents qu’il était impossible de communiquer tant à la défense qu’au public, ont jugé à l’unanimité… Des pièces entières, des témoignages écrits, non suspects, furent soumis, en secret, au conseil de guerre. »
  3. « Ainsi parla le syndicataire Pascal. » (XIIe Lettre à un Provincial, in fine.)