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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


porter le corps à Paris, pour éviter les manifestations[1]. Lévy, par ordre de Walter, avait déjà rédigé le bon de transfert au Val-de-Grâce en fin d’autopsie et fait atteler une prolonge, quand un contre-ordre arriva du ministère de la Guerre.

L’autopsie, devant l’évidence du suicide, était superflue. On eût dû publier les rapports et procès-verbaux officiels du commandant d’armes et du commissaire de police[2]. Cavaignac n’en fit rien et, par cette négligence, créa lui-même la rumeur d’un mystérieux assassinat.

Dans l’intervalle, Mme Henry était arrivée avec son enfant au Mont-Valérien, accompagnée d’un officier d’État-Major. Le parquet ensanglanté de la chambre avait été lavé à grande eau, le col d’Henry entouré d’un pansement pour éviter à la veuve la vue des atroces blessures. L’infortunée, d’une blancheur de cire, l’air d’une morte, se mit en prière ; l’enfant resta dans la cour, pleura, puis joua avec le trompette de garde. Quelques officiers vinrent la saluer, ce jour-là et le jour suivant, s’incliner devant le cadavre de leur camarade[3]. Gribelin et Lauth sanglotaient. Ils veillèrent le corps. On installa une chapelle ardente dans la salle de mess des officiers. Lévy fut mis à la disposition de Mme Henry, mais, tout abîmée de douleur qu’elle fût, elle se montra très forte, n’eut besoin d’aucun secours. Elle reçut de nombreuses lettres de condoléances. La mise en bière eut lieu le troisième jour (2 septem-

  1. Note de Brisson (3 septembre 1898).
  2. Je les ai publiés pour première fois, le rapport du commissaire de police dans le Radical du 13 mai, la lettre de Walter et le procès-verbal signé des trois officiers dans le Temps du 4 juin 1903. — Brisson ne les avait pas demandés à Cavaignac.
  3. Boisdeffre et Gonse apportèrent eux-mêmes leurs condoléances à Mme Henry, quand elle rentra à son domicile.