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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la missent en doute, et se préoccupait, à l’encontre de Cavaignac, qui n’y comprit jamais rien, de la loi écrite. Or, le code militaire est très précis sur la communication des pièces à l’accusé, et la jurisprudence n’est pas moins formelle : « Il y a lieu à l’annulation du jugement d’un conseil de guerre lorsqu’il n’a pas été donné lecture à l’accusé de l’information[1]. »

Cependant, il se contenta de chercher au dossier judiciaire (sérieusement, incapable d’une facétie) la preuve que la forfaiture avait été commise[2]. Il n’interrogea ni Cavaignac, qui n’aurait pas menti, ni Félix Faure, ni les juges de 1894 dont quelques-uns[3], au moins, eussent dit la vérité et commençaient à s’inquiéter.

Des journalistes montrèrent à Cavaignac une lettre d’Esterhazy, du 20 mai 1894, avec cette phrase : « Je vais partir en manœuvres de brigade[4]. » Lacroix, Victor Simond, engagèrent Brisson à vérifier l’authenticité des pièces du dossier secret. Brisson, à l’idée que des officiers auraient fabriqué des faux et qu’il eût pu en être dupe, se fâcha. Delcassé connut cette note officieuse d’un des grands journaux allemands : « Personne, en Allemagne, ne doute des rapports qui existèrent entre Esterhazy et Schwarzkoppen[5]. » Tout fut inutile.

Mathieu Dreyfus avait encore d’autres renseignements ; l’un de ses amis était allé à Berlin, où Schwarzkoppen répéta qu’il était prêt à déposer devant la justice française, ce que Bulow confirma, et il avait failli avoir les photographies ou les copies des notes du bor-

  1. Dalloz. Affaire du général Guillot, du 15 janvier 1814.
  2. Déclaration de Sarrien à un rédacteur du Petit Temps (5 juillet), et reproduite par tous les journaux.
  3. Échemann et Gallet. — Voir p. 225.
  4. Voir t. II, 108. — Aurore du 6 juillet 1898.
  5. National Zeitung du 6.