Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
CAVAIGNAC MINISTRE


d’autant plus aveuglantes. La vérité était déjà haut sur l’horizon ; Brisson croyait toujours à la culpabilité de Dreyfus.

II

Deux jours avant la séance, Lucie Dreyfus adressa au Garde des Sceaux une requête en annulation[1].

L’âpre reproche qu’on entendait depuis six mois : « Vous refusez de recourir aux voies légales ! » fit place aussitôt à une cynique ironie qui, d’ailleurs, suait la peur : « La requête ne mérite aucun examen ; les faits articulés ne sont susceptibles d’aucune preuve ; la loi est formelle : tout ce qui se passe dans la salle des délibérations doit demeurer enveloppé d’un mystère impénétrable ; les juges de 1894, s’ils étaient interrogés par un juge, auraient le devoir de se taire ; le garde des Sceaux répondra par une fin de non-recevoir[2]. «

Sarrien eût voulu être édifié avant l’interpellation de Castelin, imaginant que quelqu’un aurait l’audace de le questionner. C’était un vieil avocat du Mâconnais, subtil et prudent, qui craignait de se brouiller avec les « patriotes », s’étonnait pourtant que les mêmes gens, après avoir révélé la communication des pièces secrètes,

  1. 5 juillet. — C’était, depuis longtemps, comme je l’ai dit, mon avis de déposer cette requête. Labori et Demange hésitaient, ainsi que Mathieu. Lalance sut de Siegfried, sénateur, que Milliard, le garde des Sceaux de Méline, s’était étonné de n’avoir pas reçu de demande en annulation. Buisson, professeur à la Sorbonne, décida enfin Mathieu. La requête fut rédigée par Demange, et Mornard accepta de la soutenir.
  2. Éclair du juillet 1898.
2