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LA MORT D’HENRY


il la lut, et se croyant seul : « Foutu ! » dit-il, et il partit le soir même.

Pellieux, au contraire, parce qu’il avait cru à l’authenticité de la pièce, adressa à son supérieur immédiat, le général Borius[1], pour être transmise à Cavaignac, une lettre vibrante de colère :

Monsieur le Ministre,

Dupe de gens sans honneur, ne pouvant espérer conserver la confiance de mes subordonnés sans laquelle il n’y a pas de commandement possible, ayant perdu de mon côté la confiance en ceux de mes chefs qui m’ont fait travailler sur des faux, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien liquider ma retraite pour ancienneté de services[2].

Il ne brisait pas seulement son épée d’un beau geste. Il proclamait que, s’il n’avait pas été indignement trompé par Boisdeffre et Gonse, il n’aurait pas innocenté Esterhazy. Et la condamnation d’Esterhazy, c’eût été la revision.

Les ministres tinrent ce jour-là (31 août) quatre conseils, deux à l’Élysée, sous la présidence de Faure, deux sous celle de Brisson, au ministère de l’Intérieur[3]. L’avant-veille, le jeune Empereur de Russie avait fait adresser une circulaire aux puissances, leur proposant une conférence pour arriver aux moyens de « mettre un terme aux armements incessants des peuples et de prévenir des calamités qui menacent le monde entier[4] ». Il en fut à peine question. Tout le débat,

  1. Commandant la place de Paris.
  2. Texte produit par le général de Pellieux, le 4 juin 1899, à l’enquête du général Duchêne, et par le général André à la Chambre des députés, séance du 7 avril 1903.
  3. Brisson, dans le Siècle du 14 avril 1903.
  4. Messager officiel du 16-28 août, circulaire du 12-24 août 1898.