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LA MORT D’HENRY


La surprise fut extrême, même chez ceux des défenseurs de Dreyfus qui, par voie de déduction, s’étaient convaincus que la fausse lettre avait été fabriquée avec « la complicité des bureaux de la Guerre ». Précisément, c’était le titre de l’article de Jaurès pour le lendemain ; jamais encore il n’avait serré la vérité d’aussi près :

Pendant deux ans, le ministre de la Guerre eu comme annexe un atelier de faussaires travaillant à innocenter un traître… C’est là qu’est le nid de la vipère… Parmi les officiers, les uns, en relation personnelle et directe avec Esterhazy, ont participé immédiatement au faux. D’autres lui ont ménagé les facilités d’accès, l’accueil propice. D’autres encore ont fermé les yeux, ont accepté complaisamment l’œuvre imbécile et informe qu’on leur proposait[1].

Seulement, celui qu’il dénonçait comme le complice présumé d’Esterhazy, c’était Du Paty. Le nom d’Henry, du chef même du bureau des Renseignements, éclata comme un coup de tonnerre. Les revisionnistes poussèrent un cri sauvage de triomphe ; les nationalistes, dans la première heure de stupeur et d’effroi, s’avouèrent vaincus[2],

    1896 où Dreyfus est nommé. Le ministre de la Guerre a ordonné immédiatement l’arrestation du lieutenant-colonel Henry qui a été conduit à la forteresse du Mont-Valérien. » — Selon un récit de Drumont, Cavaignac eût voulu que la note précisât qu’il restait convaincu de la culpabilité de Dreyfus, mais Brisson s’y opposa. (Libre Parole du 1er  septembre 1898, etc.)

  1. Les Preuves, 219, 223, 229.
  2. Le Petit Journal, la Libre Parole, l’Intransigeant le Soleil, l’Écho de Paris publient la nouvelle sans aucun commentaire ; l’Éclair, qui tant de fois reçut les communications d’Henry, l’exécute ; l’Autorité dit que « l’on peut réclamer la revision selon les formes légales sans être pour cela un mauvais citoyen » ; le Gaulois se recueille.