Enfin, « après un instant de vive hésitation[1] », le diabolique comédien termina par une menaçante requête. Tout à l’heure Boisandré, le rédacteur de la Libre Parole, avait parlé à mots couverts d’un document qu’il avait de ses yeux vu et d’où résultait qu’Esterhazy n’avait pas cessé d’être mené par l’État-Major[2], » Esterhazy précise maintenant que la pièce est de l’écriture de Du Paty (l’homme de confiance de Gonse), que Boisdeffre y est nommé et que l’accord entre ces grands chefs et lui, pour laisser Pellieux dans l’ignorance de certains faits, y paraît en plein. L’ayant remise à Tézenas, actuellement absent de Paris, il demande un délai pour la produire.
Le conseil siégeait depuis dix grandes heures[3] ; harassés, effrayés par ces révélations inattendues où éclatait, avec l’impudence de l’accusé, l’hypocrisie non moins cynique de l’accusation, les juges s’ajournèrent à trois jours, « afin de permettre à l’officier, objet de l’enquête, de se procurer le document » qui devait le justifier.
VI
La première journée de cette chaude bataille entre Cavaignac et Esterhazy, c’était Esterhazy qui l’avait gagnée.
- ↑ Cass., II. 183, Esterhazy.
- ↑ Ibid., I, 591, Esterhazy ; II, 180, Boisandré.
- ↑ Procès-verbal : « Comme la séance commencée à 9 heures du matin a duré jusqu’à 7 heures du soir. » — Dessous de l’Affaire, 48 : « Les juges furent si surpris, si bouleversés, qu’ils renvoyèrent la suite de l’audience à une autre séance. »