Ainsi, il retranchera de son discours jusqu’au mot du bordereau[1], parce qu’il ne saurait ni l’attribuer à Dreyfus, ce qui serait contraire à la vérité, ni le restituer à Esterhazy, ce qui dérouterait l’opinion en l’absence d’une preuve certaine que Dreyfus et Esterhazy sont complices. Cette merveilleuse trouvaille, la complicité du juif et du Hongrois, il s’en taira même à Brisson et à ses autres collègues ; pourtant, il l’indiquera à la Chambre d’une formule équivoque et, cela fait, il jettera Esterhazy par-dessus bord, en raison de sa vie crapuleuse et de ses lettres à la Boulancy, afin que nul ne puisse lui reprocher d’avoir gardé sciemment un pareil misérable, le commissionnaire de Dreyfus, dans l’armée française. De même, il évitera de dire quoi que ce soit qui puisse passer pour un aveu de la communication des pièces secrètes, et, aussi, quoi que ce soit qui puisse passer pour un démenti. Encore, il ne prononcera le nom ni de l’Allemagne, ni de l’Italie, ni de leurs attachés militaires ; il ne désignera pas l’Italien comme l’auteur de la fausse lettre de 1896, mais sans l’attribuer à l’Allemand ; et il supprimera, par conséquent, cette phrase qui en eût révélé la prétendue origine : « Si on demande à Rome nouvelles explications…[2]. » De cette façon, ni Panizzardi ni Schwarzkoppen, n’ayant été mis directement en cause, n’auront prétexte à intervenir ; d’autre part, aucune de ces indications n’est indispensable à la démonstration de la vérité.
Boisdeffre et Gonse pensèrent avoir réduit au mi-