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LA MORT D’HENRY


ni le laisser s’affoler. Plusieurs officiers consultés furent de mon avis. La première fois que je le vis, il était déjà prévenu… Nous l’avons réconforté de notre mieux… Pour Esterhazy, c’était le suicide ou la fuite ; il fallait éviter l’un et l’autre… Il voulait écrire à l’Empereur d’Allemagne. Je lui ai dit qu’il valait mieux écrire au Président de la République qui est le père de tous les Français… » Esterhazy : « Je tiens à ce que le lieutenant-colonel dise qui m’a dicté la lettre. » Du Paty : « Je n’en sais rien… Voudriez-vous dire que c’est moi ? » Esterhazy : « Dites la vérité ! » Du Paty : « Ce n’est pas moi. » et le dialogue continue, Esterhazy, à chaque croisement d’épée, serrant l’autre de plus près, Du Paty s’enferrant.

Le nom de l’empereur Guillaume sonnait mal, devant ces soldats. Esterhazy, qui s’en était aperçu, rectifia : « J’en appelais à l’Empereur d’Autriche comme vassal. » Et, se campant dans son orgueil héréditaire : « Étant décidé à me tuer, je voulais en appeler à tous ceux qui avaient intérêt à défendre un Esterhazy. »

Ces pantalonnades n’étaient pas pour faire illusion au général Florentin ; il présida ces débats avec une loyale impartialité ; mais c’était son devoir d’élucider si les lettres à Félix Faure avaient été dictées par Du Paty : il posa durement la question. Invariablement Du Paty nia, mais avec des réticences, des distinguo qui parurent suspects. Il a donné « la carcasse » de la première lettre ; quand la lettre, celle qui est au dossier, lui a été montrée par Gonse, il en a blâmé la rédaction « charentonnesque » ; « Esterhazy relevait plutôt du conseil de santé ». — « Mais dites donc la vérité ! » interrompait Esterhazy.

Il entra dans quelques-uns de ces détails qu’on appelle « probants » ; les lettres lui ont été dictées, l’une derrière le pont Caulaincourt, une autre au pont