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LA MORT D’HENRY


prodiguaient à Esterhazy tant de marques d’amitié et d’estime[1], quand il lui serraient la main au procès de Zola, ou s’employaient à lui trouver des seconds contre Picquart, ils n’ignoraient ni les lettres à la Boulancy, ni les lettres à Félix Faure, ni L’affaire de la maison de rendez-vous.

Billot lui-même, en janvier, lui a offert sa retraite avec le maximum. Pellieux encore[2] attesta que le refus vint d’Esterhazy, parce que le ministre avait dit à des sénateurs qu’il le chasserait de l’armée et que sa fierté s’était révoltée.

Ainsi, le procès que lui intentait maintenant Cavaignac était tout politique, et, dessinant son offensive, quand il passa à ceux de ses actes qu’on taxait d’indiscipline, il affirma qu’il les avait commis par ordre de ces mêmes chefs ; il a toujours « suivi deux directions, le cabinet et l’État-Major », et « son avocat voyait des généraux ».

Les juifs lui ont offert six cent mille francs (et cent cinquante mille à la fille Pays) pour qu’il se déclarât l’auteur du bordereau et, surtout, « révélât le rôle des chefs de l’armée ». Il n’y a jamais consenti. — Ici encore[3], Pellieux le confirma ; il le tenait pour un « brave soldat ».

Les officiers enquêteurs, fort troublés, le furent davantage encore lorsque Du Paty s’avança et qu’Esterhazy, qui sentait ses avantages, le poignarda en pleine poitrine.

  1. Cass., II, 176, Bergougnan ; I, 591, Esterhazy : « Quant à la question d’inconduite, ainsi que j’ai eu l’honneur de le faire observer au général Florentin, il y avait de longs mois que tout cela était connu ; les chefs n’avaient rien trouvé à redire… »
  2. Ibid., II, 176, Pellieux.
  3. Ibid., Pellieux convint qu’Esterhazy, un jour, lui avait tenu « de fâcheux propos », étant « très surexcité », mais sans l’intention « de faire chanter les chefs ».