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LA MORT D’HENRY


désespoirs, il se décida à livrer la dernière bataille.

Encore une fois, et à première réquisition, Drumont se dévoua. Le lendemain et le surlendemain de cette scène entre Marguerite et son amant, le journal-corsaire fit feu de toutes pièces, à toutes volées.

Ces deux articles[1], l’un anonyme, l’autre signé du maître lui-même, resteront comme un modèle classique de « menace sous condition ». Drumont excuse d’abord les lettres, vieilles de dix-sept ans, à Mme de Boulancy : « Combien d’autres glorieux serviteurs, généraux peut-être, ont tenu parfois des propos dont il serait injuste, après tant d’années, de leur demander compte ! » — Manifestement, Drumont, Esterhazy, tiennent en réserve « d’autres cris d’une âme ulcérée » ; quelque grand chef a écrit, lui aussi, « dans des circonstances spéciales », à une femme qui lui avait dit : « Parlez-moi comme à votre mère. » — Puis, le chantage se précise, coup droit à l’État-Major, à Boisdeffre, à Cavaignac « qui sait la vérité » et, cependant, s’apprête à sacrifier « ce malheureux Esterhazy aux coquins du Syndicat, à la meute juive dont les chiens aboient en toutes langues » :

Les juges enquêteurs ont-ils d’ailleurs constaté qu’Esterhazy ait toujours agi seul, sans conseil, sans direction peut-être, et que certains des actes qu’on lui reproche, il en ait eu l’initiative personnelle et doive en porter la responsabilité ?

Enfin, cet air de bravoure :

Les membres du conseil d’enquête feront ce qu’ils voudront, mais il me paraît utile et nécessaire de leur montrer

  1. Libre Parole des 22 et 23 août 1898.