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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sion, « comme mesure de salubrité publique[1] ».

Entre temps, pendant son passage à Paris, Cavaignac s’était occupé de Picquart.

Bien que Picquart eût été jeté en prison beaucoup moins pour avoir communiqué à Leblois le dossier des pigeons voyageurs que pour avoir écrit sa lettre à Brisson, Cavaignac n’eut garde d’engager le juge Fabre à surseoir de quelques jours. Au contraire, il objecta alors à la connexité entre les deux inculpations, afin de pouvoir envoyer Picquart, sur tous les chefs, à un conseil de guerre[2]. Mais Fabre s’y refusa et, ayant clos son instruction[3], passa le dossier au substitut Siben, déjà fort informé et qui s’empressa d’adopter à son tour les accusations d’Henry, « d’une précision qui ne pouvait laisser de doute sur la matérialité des faits ». Des rancunes personnelles ne furent pas étrangères à ce portrait qu’il traça de Picquart : « Absorbé par sa préoccupation constante (d’imputer à Esterhazy le crime de Dreyfus), hanté par cette idée fixe, sûr dans son immense orgueil de détenir seul la vérité, d’être seul clairvoyant, intelligent, accessible au sentiment de justice…[4] » Enfin, comme Leblois n’avait rien divulgué ni du dossier Boulot ni de celui des pigeons voyageurs, il en déduisit (ce qui était exact en droit) que Picquart était justiciable, pour ces deux

  1. 24 août 1898. — La motion de Bérenguier et de Robert vivement applaudie par le public du conseil général, fut écartée « comme étrangère aux attributions de l’assemblée départementale ». Elle avait été déposée en réponse à une lettre où je m’excusais de ne pas assister à la session. — Jaurès releva la motion de Bourrat : « Honte et défi à ceux qui imaginent nous faire peur ! » (Les Preuves, 230.)
  2. 19 août.
  3. 20 août.
  4. Instr. Fabre, 212, Siben.