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LA MORT D’HENRY


vaignac lui-même lui avait fait observer que la lettre ressemblait par trop à la pièce de comparaison[1]. Le papier identique, l’emploi du même crayon bleu, que le ministre avait allégués devant la Chambre comme des preuves irrécusables, à la réflexion il les trouva suspects.

Roget, à première vue, n’ayant pas aperçu les différences de coloration, Cuignet lui proposa « de se mettre dans les conditions de lumière où il s’était trouvé la veille[2] ». On fit donc la nuit dans le bureau, on apporta des lampes ; Roget reconnut que Cuignet ne s’était pas trompé[3]. Il garda pourtant quelque espoir que les choses s’expliqueraient par une erreur matérielle[4].

Les différences de nuances apparurent, plus tard, en plein jour. Mais Demange, le général Chamoin, savaient alors qu’elles existaient, les avaient vues d’avance.

Boisdeffre, quand Picquart eût achevé sa démonstration, ne l’envoya pas chez Billot, mais chez Gonse. Roget monta chez Cavaignac avec Cuignet.

Cavaignac, « sans savoir encore de quoi il s’agissait, se rendit compte à l’émotion du général que c’était très grave[5] ».

Il éprouva d’abord les mêmes difficultés que Roget à discerner le mélange des papiers ; on renouvela l’irrécusable expérience[6].

  1. Cass., I, 120, Roget.
  2. Ibid., I, 340, Cuignet.
  3. Ibid., I, 121, Roget.
  4. Rennes, I, 319, Roget ; il dit « qu’il ne fut convaincu que par l’aveu d’Henry ». Cavaignac : « Le général Roget observa lui-même la différence de coloration avec un peu plus de difficulté, mais il ne fut pas convaincu par ce premier examen ».
  5. Cass., I, 121, Roget ; 340, Cuignet.
  6. Les récits de Cuignet et de Roget s’accordent sur tous les points. Celui de Cavaignac à Rennes (I, 198) en diffère, avec