Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Les « intellectuels », Duclaux, Albert Réville, Stapfer, Darlu, Bréal, continuaient leur propagande[1], et rien n’enrageait plus les écrivains catholiques, surtout les néophytes, que de voir tant d’illustrations du « côté qu’il n’eût pas fallu[2] «. Brunetière, une fois de plus, n’y tint pas, s’en prit, comme à l’aïeul du Syndicat, à Voltaire. Guyot, dans une vive passe d’armes[3], l’amena à dire : « Je suis moins sûr qu’autrefois de l’innocence de Calas ; je ne crois pas à l’erreur judiciaire dans l’Affaire Dreyfus[4]. » L’un des plus grands savants du siècle, Gaston Pâris, s’inscrivit à son tour « parmi les soldats de la cause vaincue, mais juste[5] ».

Les ministres avaient gardé le secret sur le projet de Cavaignac : la mise en accusation en bloc des chefs du parti revisionniste, leur envoi devant la Haute Cour. Cependant le bruit s’était répandu d’un coup de force.

    langage de bien bonnes choses et bien vraies, celles-là même qui avaient besoin d’être dites aujourd’hui… Il a eu le courage de dire leur fait aux intellectuels « qui tiennent le haut du trottoir. »… Voilà qui est noblement parlé… Ne nous associons point aux égarés qui travaillent à déconsidérer les chefs de l’armée et à ruiner son esprit de discipline. »

  1. Les Étapes d’un intellectuel (d’Albert Réville) et les Billets de la Province (de Stapfer, sous le pseudonyme de Michel Colline) parurent dans le Siècle ; l’étude de Darlu : M. Brunetière et l’individualisme, dans la Revue de Métaphysique et de Morale.
  2. Brunetière, Après le procès, 11.
  3. L’un des Billets de la Province contenait un portrait de Basile ; Brunetière s’y reconnut et adressa une série de lettres au Siècle, (12 a 30 août 1898.) Guyot les insérait et leur répondait au jour le jour ; il réunit plus tard ses articles et les lettres de Brunetière sous ce titre : Les Raisons de Basile.
  4. Lettre du 12 août 1898.
  5. Gaston Pâris avait terminé par une admirable (et transparente) invocation à la Justice, une étude sur Philippe le Bel. (Revue de Paris, du 1er  août 1898). Je citai cette péroraison dans le Siècle. Il m’écrivit : « Votre article m’a fait grand plaisir en me désignant nominativement comme un des soldats de la cause vaincue, mais juste. » (De Cérisy-le-Salle, 16 août.)