Brisson, dans ce rêve, décidait de mettre fin au supplice de l’innocent :
On entendait des clameurs féroces qui venaient de la rue et, dans les antichambres, un cliquetis d’éperons qui sonnaient.
Les ministres consultés l’un après l’autre répondirent : « Il ne faut pas nous brouiller avec la canaille. » Quelqu’un dit : « Qu’il y ait là-bas dans un bagne infâme un innocent, cela est possible ; mais ce qui est certain, c’est qu’il y a ici, à Paris, une sentine hideuse dont le tenancier est armé d’une plume empoisonnée. Il faut ménager ce drôle. »
Brisson s’écria : « Que le sang de ce juste soit sur vos mains ![1] »
Bien que brouillé alors avec Brisson, je m’obstinais ainsi à voir en lui l’un des seuls hommes politiques qui saurait, quand il serait trompé, l’avouer et faire son devoir. C’était également l’avis de Jaurès, d’Yves Guyot et de Ranc. Ils l’épargnaient dans leurs articles les plus vifs. Au contraire, les jeunes gens, qui rencontraient pour la première fois de leur vie une grande iniquité, le harcelèrent de sarcasmes, s’étonnèrent de son inintelligence et de ses frayeurs, surtout les rédacteurs des Droits de l’Homme[2], satiriques et lyri-