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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de Versailles, la Cour de cassation le rejeta[1].

Jaurès publia les Preuves[2].

Il n’avait qu’à regarder en arrière, dans sa propre vie, pour comprendre l’erreur où s’obstinait ce peuple, son propre parti dont une faible minorité seulement l’avait suivi.

Il y a quatre ans, il avait lui aussi accepté la sentence des sept officiers, trop indulgents à son gré, qui n’avaient point condamné Dreyfus à mort — parce que ce juif était riche.

Encore au procès de Zola, il résistait, ne pouvait se résigner à la réalité. Clemenceau, Buisson firent confiance plus longtemps encore aux juges militaires et aux grands chefs.

Si des hommes d’une telle intelligence, dénués ou se croyant dénués de préjugés ethniques et religieux, de superstitions politiques et militaires, ne s’étaient rendus que si tard, quoi d’étonnant que la grande masse populaire prolongeât leur erreur de quelques mois, de quelques semaines ? Pourtant, elle était ébranlée par tant de péripéties, par une si longue querelle ; tant d’efforts, depuis près de dix mois, n’ont pas été en pure perte ; alors que les progrès de la vérité eussent été plus lents encore, cette crise elle-même était au grand honneur du pays qui la subissait. D’une telle affaire, de l’affaire d’un seul individu, quel autre pays eût fait une crise nationale ?

Jaurès entreprit de démolir sous les yeux du peuple, des socialistes à qui il s’adressait plus directement, les charges publiques et secrètes qui avaient été alléguées contre Dreyfus. L’une après l’autre, il les exposera, les

  1. Arrêt du 5 août 1898.
  2. Petite République des 10, 16 août 1898, etc.