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CAVAIGNAC MINISTRE


pas perdues. Ce sera notre seul droit à mériter l’indulgence de ceux qui viendront après nous[1].

La retraite de Zola resta inconnue des huissiers et des journalistes. Il avait quitté Londres pour la campagne et, aussitôt, s’était remis au travail, à ses « Quatre Évangiles[2] », où sa manière s’alourdit, mais sa pensée s’éleva à des hauteurs nouvelles, comme pour justifier cette belle parole qu’il aimait à répéter : « L’Affaire Dreyfus m’a rendu meilleur. » Les trois experts le firent condamner par défaut à un mois de prison et dix mille francs de dommages-intérêts à chacun d’eux[3]. Il obtint d’autre part la condamnation de Marinoni et de Judet pour diffamation envers la mémoire de son père[4] et déposa contre eux une plainte en usage de faux[5] Pour son pourvoi contre l’arrêt

  1. 14 août 1898.
  2. Vizetelly, With Zola in England, 163. — Zola fut guidé dans ses diverses pérégrinations par l’auteur de ce volume, son traducteur anglais. Il craignait toujours d’être reconnu et le fut, en effet, par plusieurs Anglais, mais qui s’en turent. Le graveur Desmoulins l’avait rejoint. Mme Zola resta à Paris, puis à Médan, et ne vint qu’à l’automne.
  3. Arrêt de la Cour d’appel du 10 août 1898. — Le tribunal correctionnel l’avait précédemment condamné à deux mois de prison et cinq mille francs de dommages-intérêts (9 juillet). — Les experts firent saisir chez Zola ; le 10 octobre, une table fut vendue 32.000 francs, total des frais et dommages-intérêts demandés. L’acheteur, Octave Mirbeau, avait reçu cette somme d’un admirateur de Zola qui garda l’anonyme.
  4. Judet fut condamné à 2.000 francs d’amende, Marinoni à 500, Lasseur, gérant, à 500, et tous trois à 5.000 francs de dommages-intérêts. (Tribunal correctionnel, 9° chambre, 3 août 1898.) les condamnés firent appel.
  5. L’instruction fut confiée au juge Flory. (Voir t. III, 218.) Flory ayant rendu un non-lieu (30 octobre), Judet poursuivit Zola en dénonciation calomnieuse. Il obtint une condamnation en 100 francs d’amende et 500 francs de dommages-intérêts. (11 janvier 1899).