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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pation contre Leblois, la rectifiant en fait, l’aggravant en apparence et subsidiairement la rendant connexe de l’inculpation contre Picquart, ce qui permettait de les envoyer tous deux devant le tribunal correctionnel.

L’avocat fut en conséquence incriminé, dans un second réquisitoire, « d’avoir, ayant eu connaissance de documents intéressant la défense du territoire et la sûreté intérieure de l’État, communiqué ou divulgué à d’autres personnes les renseignements qui lui étaient connus[1] ». Leblois, qui comprit fort bien, se borna à protester d’un mot[2]. Le procureur général Bertrand, qui comprit, lui aussi, contesta la connexité. Ces questions de connexité sont parmi les plus délicates du Code. Fabre tint bon[3], refusa de rendre à la justice militaire la proie qu’elle avait laissé échapper. Bien plus, comme la prison constitue toujours un préjugé défavorable aux accusés, il engagea Picquart à demander sa mise en liberté provisoire qu’il lui aurait accordée. Mais Picquart s’y refusa. Il était plus grand en prison. Brisson l’y trouvait plus en sûreté.

    « pendant un temps, on lui a fait part de la nécessité où, à grand regret, disait-on, le parquet allait se voir de renvoyer Leblois en correctionnelle et Picquart devant un conseil de guerre, à raison de la distinction des délits. »

  1. Réquisitoire du 17 août 1898. Le procureur de la République y visait l’article 2 de la loi du 18 août 1886.
  2. Instr. Fabre, 194, Leblois : « Je proteste contre cette nouvelle inculpation, comme j’ai protesté contre la précédente. »
  3. L’arrêt de la Cour de cassation en règlement de juges (3 mars 1898) décida que les chefs d’inculpation relevés contre Picquart étaient en effet connexes au délit de divulgation de renseignements secrets relevés contre Leblois, prévenu civil.