Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


semblait de très près à celle de Dreyfus, mais peut-être, de plus près encore, à celle d’Esterhazy ». Il fit alors venir Bertillon, qui lui déclara « qu’Esterhazy s’était habitué pendant quatre années à imiter l’écriture du bordereau », qu’il était à la solde des juifs, leur « homme de paille » ; Bertillon l’a dit à Picquart, à Boisdeffre ; ni l’un ni l’autre n’ont voulu l’en croire[1].

Cavaignac eût encore assez de raison pour trouver que l’anthropométreur « n’avait pas le sens commun » ; d’autre part, « il n’avait pas le temps » d’étudier le système du fol, qu’il « comprit » seulement plus tard[2]. C’eût été le moment d’interroger Picquart. Mais les généraux Gonse et Roget, qui enseignaient à Cavaignac l’affaire Dreyfus, n’eurent pas de peine à le convaincre de l’indignité de l’ancien chef de service des Renseignements ; et l’un d’eux, ou tous deux à tour de rôle, lui, démontrèrent que la question d’écriture, qui était tout le procès, n’offrait qu’un intérêt secondaire, vu que les documents qui sont énumérés au bordereau n’avaient pu être connus que de Dreyfus[3] C’est ce que Mercier, au Mans, lui avait déjà expliqué.

  1. Rennes, I. 191, Cavaignac ; II, 371, 385, Bertillon. Voir t. II, 291.
  2. Ibid., I, 193, Cavaignac.
  3. Roget précise qu’il a été nommé chef du cabinet de Cavaignac le 8 juillet, « au lendemain du discours », et « en raison de la connaissance qu’il avait acquise de l’affaire Dreyfus » (Cass., I, 54). Il fut, apparemment, celui à qui Cavaignac s’adressa de préférence, comme étant à la fois personnellement désintéressé et très instruit de l’Affaire. Les dépositions de Cavaignac et de Roget, à la Cour de cassation et à Rennes, ne différent que par la forme. Les arguments sont les mêmes, identiques (Cass., I, 15 à 24, 30 à 32, Cavaignac : 82 à 95, Roget ; Rennes, I, 185 à 190, Cavaignac ; 276 à 293, Roget). Ce sont également ceux de Gonse (Cass., I, 240 et suiv.), de Boisdeffre (Rennes, I, 528) et de Mercier (Rennes, I, 117 et suiv.). Et tous les cinq, Mercier, Cavaignac, Boisdeffre, Roget, Gonse, ne font que répéter les explications d’Esterhazy et les dépositions concordantes d’Henry aux diverses enquêtes.