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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tre Dreyfus inquiétait l’avocat. Des confrères jaloux le disaient sans scrupule ; il avait celui de la légalité.

Esterhazy vit ce doute et, par Henry, avertit Gonse de faire le nécessaire. Gonse, docile à son ordinaire, et d’accord avec Billot, envoya aussitôt Du Paty chez Tézenas[1] ; il lui recommanda toutefois d’être prudent et de mettre des conserves bleues, en route, pour n’être pas reconnu[2].

Du Paty fit un beau discours à Tézenas : il protesta que, dans une pareille affaire, le défenseur doit tabler sur une complète certitude ; qu’il a été, lui, l’un des instructeurs du procès de Dreyfus ; que la culpabilité de Dreyfus est certaine, cent fois démontrée ; que la vie d’Esterhazy est sans doute irrégulière, mais indemne de crime, et que c’est un galant homme.

Il renouvela sa visite et ses propos. Esterhazy avait confié à Tézenas que la dame voilée n’était autre que la marquise Du Paty elle-même. Tézenas n’en dit rien à Du Paty. L’affaire s’annonçait très belle.

VII

Henry, infatigable, travaillait toujours à la rendre meilleure.

Bien qu’il eût accumulé déjà une montagne de men-

  1. Du Paty se dit « absolument couvert par les ordres qu’il reçut de Gonse à cet effet ». (Cass., I, 454 ; 32, 200 ; Instr. Tavernier, 6 juin.) Gonse dit tantôt que ce fut Billot qui provoqua la démarche, voulant « savoir ce que faisait Esterhazy », tantôt que ce fut Du Paty, informé des doutes de Tézenas par l’un de ses secrétaires. (Cass., II. 198 ; Rennes, II, 161, 171.)
  2. Cass, II., 32, 300, Du Paty.