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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


naux avaient mal parlé de lui ; ces articles avaient été commentés dans les cercles.) Aux uns, je donnerai des coups de bottes ; aux autres, à ceux de mon monde, des coups d’épée. » Il soupçonna Souffrain, « agent des juifs », d’avoir voulu enlever la marquise Du Paty pour faire croire qu’elle était la dame voilée[1]. En tout cas, ce lui fut un prétexte pour faire sortir sa femme de l’affaire.

Tard, dans la nuit, après avoir ramené Esterhazy du logis de sa maîtresse au domicile conjugal, Christian portait encore des lettres chez Pellieux, pour que le général les eût à son réveil. D’ordinaire, des agents de la Sûreté suivaient Esterhazy jusque chez lui[2].

Il accompagna Mme Esterhazy à Dommartin pour vérifier si « les juifs « n’avaient pas glissé des papiers compromettants dans un meuble à secret.

Ses fonctions n’étaient pas une sinécure. Mais il ne se plaignait pas, d’une absolue confiance que n’effleura aucun doute, plein d’admiration pour ces grands personnages qu’il voyait attelés, dans un commun effort, à la défense de l’innocence calomniée. Il tenait pour mensongers les récits des journaux qui dépeignaient Esterhazy comme sans ressources. Ne sait-il pas qu’il n’est pas d’homme d’affaires plus consommé, et qu’il a été, pendant des années, l’heureux associé des Rothschild[3] ?

Il était prêt à tout, pour cette belle cause, à se battre, à écrire des lettres anonymes, à faire des faux. Et nul confident plus discret. Il ne chercha même pas à savoir le contenu des billets échangés chaque soir entre Du

  1. Mémoire, 95, 100, etc. ; Figaro des 12 et 14 juillet 1898, récit de Christian.
  2. Mémoire, Cass., I, 785, Tournois.
  3. Mémoire, 68, 72, 94.