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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


Il chargea Christian de riposter dans la Libre Parole ; la note, très exacte, établissait leur droit, bien que d’une branche bâtarde, à porter le nom d’Esterhazy[1].

Marguerite Pays mit Christian en relation avec Du Paty. Ils se virent, pour la première fois, au pont de l’Alma ; le marquis lui jeta ces mots : « Ce soir, à six heures, devant le n° 8 de l’avenue Gabriel[2]. »

Une vague inquiétude se mêlait maintenant à l’ardeur de Du Paty. Gonse, enfin, lui avait fait voir le dossier de Picquart contre Esterhazy, celui d’Henry contre Picquart[3] ; le faux d’Henry le laissa sceptique[4]. Il s’exprima sur Picquart avec sympathie[5], comme par quelque obscur instinct qu’ils avaient les mêmes ennemis.

Du Paty et Christian se rencontrèrent presque tous les soirs[6], dans des endroits écartés, sur les berges de la Seine, par le brouillard et la pluie. Du Paty allait lire dans les vespasiennes les billets d’Esterhazy, y rédigeait ses réponses. Très nerveux, il discourait beaucoup, sur « son cousin » Cavaignac qui prendrait la défense d’Esterhazy à la tribune, sur Félix Faure « qui se tenait très bien » : « Tant que je serai Président, a-t-il dit, la revision ne se fera pas. » Il se rassurait lui-même en proclamant que la victoire était sûre. « Comme dans l’Évangile », il sera beaucoup pardonné à Marguerite Pays. « Quand tout cela sera fini, je réglerai leur compte à mes insulteurs. (Quelques jour-

  1. Libre Parole du 25 novembre 1897.
  2. Mémoire, 67.
  3. Cass., II, 196, Du Paty (Enq. Renouard).
  4. Cass., I, 444, Rennes, III, 505, Du Paty. — Gonse en convint à l’enquête Renouard et à l’instruction Tavernier.
  5. Cass., I, 213, Picquart.
  6. Cass., I, 585 ; II, 244, Esterhazy ; II, 176, Pellieux ; 194, Du Paty.