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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’un abominable complot des juifs, « tous des bandits ». — Dès octobre, il l’avait avisé, en termes vagues, qu’il était menacé de gros ennuis, « inexplicables ou, plutôt, trop explicables[1] ». — Mais les généraux sont résolus à le défendre ; il n’a qu’à suivre leurs instructions. Seulement, pour que sa victoire soit plus éclatante, ils veulent paraître étrangers à sa défense. Il a compté sur Christian comme intermédiaire.

Le brave garçon répliqua : « Disposez de moi, de ma personne, de ma vie[2]. » Selon Esterhazy, il aurait ajouté : « Disposez de ma fortune ; puisez au tas ; l’argent n’est rien. » Christian croyait toujours ses fonds chez Rothschild ; il eût voulu les ravoir. Laisser de l’argent chez des juifs, même pour une bonne affaire, cela n’était plus digne. Esterhazy allégua qu’il était filé ; en ce moment, il ne saurait aller chez Rothschild, même pour reprendre son argent ; ce sera pour plus tard, après la bataille ; il crachera alors son mépris à la face du banquier.

Le comte Nicolas-Maurice, au nom des Esterhazy d’Autriche, avait publiquement protesté n’avoir rien de commun avec le Walsin, accusé de trahison ; la branche française des Esterhazy est éteinte ; ni la branche française, ni la branche hongroise n’ont jamais reconnu les Walsin comme comtes Esterhazy[3] ». Ce désaveu fut très sensible à l’impudent comédien qui, dans ses lettres à Félix Faure et ses discours aux journalistes, avait tant joué de son cousinage avec l’illustre famille.

  1. Lettre du 1er octobre 1897 : « Autre grande affaire. C’est cela qui est plus grave et plus ennuyeux que tout. J’en suis bien contrarié. »
  2. Mémoire. 71.
  3. Fremdenblatt du 24 novembre 1897. — Une autre protestation du comte Paul Esterhazy, conseiller de l’ambassade d’Autriche et Paris, parut dans le Temps du 26.