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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la dépêche où Speranza avertit Picquart que « tout est découvert ». Pour l’autre dépêche, celle qui prévient Picquart qu’on a la preuve qu’il a fabriqué le petit bleu, il n’avait encore aucune indication, sauf que la signature « Blanche » était le prénom de la comtesse de Comminges.

Cependant, il a « toujours considéré Picquart comme un honnête homme, mais c’est un sceptique, un névrosé, qui pose pour le décadent ; il est adonné à l’occultisme et fait tourner les tables dans des milieux interlopes[1] ». Henry est convaincu que son ancien chef, à travers cette intrigue, « a agi par impulsion, agent inconscient, (il ne dit pas : payé) de gens qui ont intérêt à le pousser ». Si Henry n’avait pas été en congé quand Picquart a demandé à Gribelin le dossier de 1894, « il ne lui aurait pas permis d’en prendre connaissance, comme c’était sa consigne, autrement qu’en présence du sous-chef d’État-Major ».

Enfin, ce que ni Gonse ni Henry n’osent dire eux-mêmes, par prudence, sinon par pudeur, les journaux l’impriment. Déjà Esterhazy a attribué à Picquart des origines juives. Drumont, pour lier plus étroitement Picquart au Syndicat, raconte maintenant que c’est moi qui l’ai fait nommer au service des renseignements[2], pour préparer la revision, tout comme j’avais précédemment, pour préparer la trahison, imposé Dreyfus à Miribel[3].

Pendant quelques jours, comme sur un mot d’ordre,

  1. Pellieux interrogera Picquart sur ces billevesées (Cass., I, 203, Picquart).
  2. Libre Parole du 17 novembre. — Lauth racontait ouvertement que j’avais prêté de l’argent à Galliffet, ce qui était faux, à condition que le général imposât à Zurlinden la nomination de Picquart.
  3. Voir t. Ier, 229.