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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Gonse et Henry ont dit à Paléologue, Boisdeffre à Picquart, Mercier aux juges de 1894. À l’appui de cette version, le faux d’Henry.

Tout cela se tenait très bien.

Henry, en sa qualité de chef du bureau des renseignements, porta à Pellieux les dossiers secrets (arrangés par lui) de Dreyfus et d’Esterhazy. Le dossier de Dreyfus comprenait la pièce Canaille de D… et la récente déclaration de Lebrun-Renaud ; celui d’Esterhazy, le petit bleu, avec l’adresse grattée et récrite.

Pellieux savait en quelle estime l’État-Major tenait Henry. Il venait d’être promu lieutenant-colonel en récompense de ses services, de son dévouement à toute épreuve, de son impeccable loyauté. C’est Boisdeffre lui-même qui parle par sa bouche. Dans le passé qui s’éloigne, les ombres de Sandherr et de Miribel le protègent. L’excellent prince d’Arenberg[1], qui avait été l’ami de Miribel et l’était de Boisdeffre et de Galliffet, me disait pour expliquer sa perplexité : « Il n’y a pas de plus honnête homme que Picquart ni de plus brave homme qu’Henry ».

Nécessairement, Pellieux le croira sur parole, ou c’est Boisdeffre qu’il eût suspecté d’imposture. Henry sera désormais le grand témoin, à la fois témoin et accusateur. Avant de déposer sous serment, il met Pellieux au courant. — Il était légitime que Pellieux se fît renseigner. Et par qui plus sûrement que par le chef du service de statistique ? — Or, c’est dans ces tête-à-tête qu’excelle Henry, car la grande lumière des audiences publiques le gêne ; il n’y connaît de ressources, contre la dialectique trop serrée d’un contradicteur, que la

  1. Député du Cher, membre de l’Institut.