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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de juiverie, ou de drapeau, ou de patrie, des juges militaires peuvent saisir et frapper sans garanties légales un citoyen quel qu’il soit ; voici la question, la vraie, la seule[1] ». Mais les Dufaure, les Léon Say[2] et les John Lemoinne n’avaient pas laissé d’héritiers.

V

Dès que Billot eut consenti au rappel de Picquart, Pellieux reçut l’ordre de procéder, comme officier de police judiciaire, à une seconde enquête[3].

Boisdeffre, sans plus tarder, avisa à « mettre à l’abri la conscience » de cet officier qui devenait un juge. Il le manda au ministère, et lui fit communiquer par Gonse la lettre de Panizzardi où Dreyfus était nommé, et d’autres faux[4],

  1. Petite République du 26 novembre 1897.
  2. Léon Say, dès 1894, avait eu le sentiment que Dreyfus était innocent. Il me le dit à moi-même et à bien d’autres.
  3. 21 novembre 1897. — Procès Zola, I, 244, Pellieux.
  4. Roget a prétendu devant la Cour de cassation que Pellieux « n’a eu connaissance du faux Henry qu’au moment du procès Zola ». Mais le contraire résulte : 1° de la conversation, à la date du 29 novembre, où Pellieux demanda à Scheurer si Billot ne lui avait pas fait voir, comme à lui-même, une preuve certaine de la culpabilité de Dreyfus (Mémoires de Scheurer) ; — 2° de la lettre de Pellieux à Cavaignac, en date du 31 août 1898, au lendemain des aveux d’Henry ; « Dupe de gens sans honneur… ne pouvant avoir confiance en ceux de mes chefs qui m’ont fait travailler sur des faux, je demande ma mise à la retraite » ; — 3° de la conversation de Pellieux avec un rédacteur du Gaulois. G. de Maizière, 2 septembre 1898) ; le journaliste raconte que la pièce fut communiquée à Pellieux, « pour mettre sa conscience à l’abri », par le général Gonse, au cours de l’enquête sur Esterhazy ; 4° de la déposition d’Esterhazy (26 février 1901, à Londres) qui raconte, évidemment d’après Henry, que