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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


colonel Picquart qui a donné connaissance de renseignements secrets à un tiers non qualifié et lui a remis des lettres de l’un de ses chefs, ayant trait uniquement à une affaire de service[1]. » Or, le récit de Leblois, qui devenait ainsi le premier réquisitoire contre Picquart, il l’avait reçu à titre confidentiel[2].

Toutefois, comme on l’informa de la dernière décision de Billot, il demanda que Picquart fût entendu, ainsi que cela avait été réclamé par Scheurer.

IV

Ce premier succès, si vivement emporté, encouragea les partisans de la revision. Encore bien peu nombreux, — quelques milliers d’esprits sains qui avaient échappé à la contagion, deux ou trois douzaines d’écrivains, de savants et de politiques, — ils comprirent enfin que la justice ne descend pas du ciel, qu’il la faut conquérir. Il leur en eût moins coûté de défendre tout de suite leurs avant-postes. Mais, désormais, chaque jour, à chaque combat, à chaque défaite, ils gagneront des adhérents, élargiront la trouée de lumière.

Ce fut Zola qui donna le premier coup de clairon.

Depuis quelques jours, l’étonnante aventure l’avait pris tout entier, dans son cœur de poète et d’homme. Il se passionnait pour « ces documents d’une beauté tragique », ne connaissait rien qui fût « d’une psychologie plus haute[3] ». Il venait d’achever son

  1. Procès Zola, I, 244, Pellieux.
  2. Il l’avoua lui-même (Instr. Fabre, 41).
  3. Figaro du 25 novembre 1897.