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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


loyauté qui se tramait, il pria l’un de ses collègues du Sénat, Jules Siegfried, de faire une démarche pressante auprès de Félix Faure. Si Picquart, qui sait toute la vérité, n’est pas appelé à Paris, un tel déni de justice sera porté aussitôt à la tribune du Sénat. Je tins le même langage à l’un des ministres, Turrel : il parut troublé ; je le quittai sur ces mots : « Vous êtes indignement trompés par Billot. Mais ni lui ni personne n’est de force à étouffer la vérité ; elle éclatera malgré tout ; alors, vous et vos collègues, les dupes comme les autres, vous serez déshonorés. » Turrel informa Méline de ces propos comminatoires. Clemenceau écrivit que « ce serait trop simple de livrer un officier en pâture à la presse et de lui refuser le droit de venir présenter sa défense[1] ». Picquart, spontanément, avait sollicité par télégramme l’autorisation de venir déposer à Paris.

Billot, Boisdeffre plièrent. Une note officielle annonça que l’enquête du général de Pellieux allait continuer et que Picquart serait entendu. Billot télégraphia au général Leclerc de faire partir immédiatement le colonel et de lui demander sa parole qu’il ne communiquerait avec personne avant d’avoir été entendu par Pellieux[2],

Ce n’était qu’une escarmouche de perdue ; on prendrait sa revanche.

Drumont raconta que Billot, pour être agréable à Scheurer, avait invité Picquart à rester en Tunisie ; mais Méline avait ordonné de le faire venir[3].

Le même jour, Pellieux remit son rapport à Saussier. Il concluait ainsi : « Aucune preuve contre le commandant Esterhazy ; une faute grave relevée contre le

  1. Aurore du 20 novembre 1897.
  2. Cass., I, 201, Picquart.
  3. Libre Parole du 23 novembre.