qui prouvait la trahison de cet homme ». Puis, il dicta : « Il n’y aura ni enquête sérieuse, ni enquête loyale, ni enquête… — Complète, interrompit Pellieux qui écrivait lui-même — … si le colonel Picquart n’est pas appelé à déposer. Son témoignage est indispensable[1]. » Pellieux observe : « Je sais que le général Saussier a parlé de le faire venir, mais je ne crois pas que ce soit dans les intentions du ministre[2]. » Scheurer, vivement : « Ne vous laissez pas faire, général. Insistez. C’est votre devoir. Il le faut. » Pellieux : « Grosse affaire. Le capitaine Dreyfus, puis le commandant Esterhazy, le colonel Picquart… » Et, de la main, il trace une ligne brisée qui monte vers le plafond : « Oui, dit nettement Scheurer, il y aura peut-être deux ou trois échelons encore à monter. Il vous appartient d’éviter un tel scandale en faisant la lumière. Aucun homme de bonne foi ne peut douter qu’Esterhazy est l’auteur du bordereau[3]. »
En rentrant Scheurer nota sur ses carnets : « Ou Pellieux est un honnête homme, cherchant la vérité, comme l’a dit Saussier, ou c’est un fameux jésuite. »
Pellieux reçut pour consigne de « vider » Leblois, s’il ne réussissait pas d’abord, ce qui vaudrait mieux, à le faire taire.
III
Aux journalistes qui le harcelaient depuis qu’Esterhazy avait révélé son nom à Drumont, Leblois avait déclaré son intention de ne rien dire sur le fond de