Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/638

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
632
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et les césariens[1], indiquait l’orientation à gauche.

Ribot, puis Sarrien et Peytral déclinèrent le pouvoir ou échouèrent à mettre sur pied un gouvernement.

Dans ce désarroi, les antisémites et les césariens, tous ceux qui, avec Rochefort et Drumont, avaient reproché à Méline sa faiblesse envers les défenseurs de Dreyfus, savaient seuls ce qu’ils voulaient : ils exigeaient le portefeuille de la Guerre pour Cavaignac et ne désespéraient pas de le voir premier ministre.

Ils le sentaient leur homme, résolu à tout pour briser les misérables qui réclamaient la justice égale pour tous, au besoin pour leur mettre la main au collet et les livrer à une juridiction d’exception.

Les radicaux, le sachant populaire, l’appuyaient.

Sarrien, tout de suite, lui avait offert la succession de Billot ; Peytral commença par s’adresser à Saussier qui se déroba ; il revint alors à Cavaignac qui, sentant sa force, parla en maître, exigea que Freycinet ne fit point partie de la combinaison.

Seul, parmi les haïsseurs de vérité, Esterhazy se méfia de Cavaignac. Il se connaissait en hommes, et l’un de ses amis, camarade de Cavaignac à l’École polytechnique, lui avait ainsi défini le personnage : « Une bourrique, à mine austère, qui prend son entêtement pour de l’énergie, un sectaire en carton, ambitieux, haineux et sans courage, qui, à la première occasion, perd la tête[2]. » Il avertit Drumont que ce « Robespierre-Jocrisse » ferait regretter Billot.

Au contraire, Félix Faure souhaitait l’avènement de

  1. Drumont, Marcel Habert, Morinaud, Ferrette, Charles Bernard, Chiché, Gauthier (de Clagny), Firmin Faure, Mirman, Ernest Roche, Paulin Méry, Alphonse Humbert, Le Hérissé, Stanislas Ferrand, etc.
  2. Dessous de l’affaire Dreyfus., 60 : Cass., I, 500.