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LA CHUTE DE MÉLINE

Pellieux n’avait pas besoin d’Esterhazy pour être excité contre Picquart ; il le considérait comme l’âme du « complot international », et il le faisait suivre étroitement, s’informant de ses relations et ne craignant pas d’employer des officiers à ces basses besognes. L’un d’eux consentit à aller interroger le concierge de Mme Monnier, cette parente de Picquart que le père Du Lac avait nommée à Boisdeffre, dont Henry avait fait l’une des dames voilées d’Esterhazy et que Pellieux et Gonse avaient déjà dénoncée à Bertulus. Le concierge, plus scrupuleux que l’officier, refusa de parler et avertit sa locataire. Mme Monnier se rendit aussitôt chez le général de Pellieux et lui demanda de faire cesser des procédés aussi offensants.

Pellieux commit alors une action infâme. Il écrivit au mari pour se plaindre de la démarche de sa femme, qui s’était présentée à lui « comme la parente et l’amie de Picquart », et exigea de lui des explications verbales ou écrites. Faute de quoi, « il sera en droit de considérer comme fondés les bruits qui ont couru et courent encore sur le rôle de Mme Monnier dans ce qu’elle appelle l’Affaire[1] ».

  1. Cass., I, 235, Bertulus. — La lettre de Pellieux est datée du 6 mai 1898 : « Mme Monnier vient de se présenter chez moi pour se plaindre qu’un officier du gouvernement de Paris eût été prendre à son domicile des renseignements sur elle. Je lui ai manifesté mon étonnement de sa démarche inconsidérée. Elle m’a fait connaître alors qu’elle la faisait auprès de moi parce que j’avais été mêlé à « l’Affaire » et qu’elle était la parente et l’amie de M. Picquart. J’estime que j’ai droit, au sujet de cette visite à laquelle je ne pouvais m’attendre, à des explications de votre part et je vous serais reconnaissant de vouloir bien me les fournir soit verbalement, soit par écrit. J’ajouterai encore que si je ne recevais pas de réponse, je serais en droit de considérer comme fondés les bruits qui ont couru et courent encore sur le rôle de Mme Monnier dans ce qu’elle appelle l’Affaire. »