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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


fabriquait depuis longtemps des Schrapnell. Gonse n’en conclut pas moins qu’une trahison avait dû être commise et que Dreyfus en était l’auteur[1].

II

Une autre affaire, où Henry, à son ordinaire, avait supprimé une pièce qui le gênait, le mena plus loin qu’il ne l’avait cru.

Gonse n’appartient pas à la race des malfaiteurs de grande envergure. Au besoin, il ment comme un autre, se parjure, authentique des faux ou y collabore sournoisement. Toutefois, sa sottise n’est pas qu’apparente, son air de bêtise est lui-même menteur, et il a des scrupules de vieux soldat discipliné ou craintif. Ainsi fit-il observer à Henry qu’une pièce importante manquait à son dossier, la dépêche du 2 novembre 189, de Panizzardi à l’État-major italien. Il se souvenait qu’il en avait existé plusieurs versions[2].

Henry, qui se gardait bien de tout dire à Gonse, fit

  1. Rémusat racontait que Dreyfus, étant à l’École de guerre, lui avait adressé une lettre pour demander « ces renseignements destinés à son professeur d’artillerie qui désirait se tenir au courant des inventions nouvelles ». (Pièce 71 du dossier.) Mais il ne produisit jamais la lettre, qu’il citait de mémoire (Cass., III, 357, Mornard) et dont Dreyfus n’a gardé aucun souvenir. C’était son frère qui avait « porté le renseignement » à Gribelin. (Rennes, II. 591.) — Rennes, III, 235, général Deloye : « L’inventeur de l’obus, M. Robin, a déclaré spontanément que Dreyfus ne lui avait jamais rien demandé de ses affaires, rien, rien, rien, encore rien. » — Les Allemands ont deux Schrapnell, l’un de 1891, l’autre de 1896. Celui-ci n’a rien de commun avec l’obus français de 1874. (Cass., I, 44 Hartmann.)
  2. Voir t. Ier, 24 et suiv.